Préambule
Le statut de micro-entrepreneur n’est pas le statut des artistes interprètes, Les artistes conteurs et conteuses en France sont salariés.
En effet depuis 2008, selon l’article L7121-3 du code du travail « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce et des sociétés. »
Le Ministère de la culture, qui délivre les différentes licences d’Entrepreneur de spectacle le réaffirme dans sa circulaire du 28/01/2010 : https://www.coreps-occitanie.fr/travail-securite-et-reglementation/reglementations/fiches-pratiques-de-la-cellule-de-veille/251-fiche-pratique-auto-entrepreneur-et-professions-du-spectacle.html?view=item
En d’autres termes, tout artiste du spectacle vivant, se produisant devant un public à la demande d’un organisateur (école, médiathèque, association, salle de spectacle, etc.) est présumé être un·e SALARIÉ·E. C’est ce qu’on appelle la
« présomption de salariat[1]».
Il faut donc une structure (une personne morale) qui porte la responsabilité d’employeur. Cette structure reçoit le financement (Contrat de cession, subventions/billetterie…) et paie d’un côté des cachets aux artistes interprètes[2] (et aux autres salariés attachés aux répétitions/représentations -techniciens de régie ou de production- un salaire en CDDU) et de l’autre côté l’employeur verse les cotisations sociales à toutes les caisses spécifiques du spectacle vivant.
Plusieurs configurations sont possibles dans la pratique (pour le détail des types employeurs possibles, cf. notre FICHE bonnes pratiques « Cadre légal pour la déclaration d’activité professionnelle d’un artiste du spectacle vivant« ).
[1] Article L7121-4 (Version en vigueur depuis le 01 mai 2008) : « La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Cette présomption subsiste même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe personnellement au spectacle.
[2] Attention, le terme « cachet » renvoie à une rémunération forfaitaire d’un artiste du spectacle en CDDU, déconnectée du temps réel de travail (pour France Travail 1 cachet est compté pour 12h, pour la Sécu, le cachet est compté pour 6h etc…).
Pour rappel :
- Le Contrat de cession de droit d’exploitation de spectacle prévoit la responsabilité partagée d’employeur entre deux personnes morales : l’Organisateur et le Producteur. Si la compagnie est l’employeur, il n’en demeure pas moins vrai que l’Organisateur qui accueille reste coresponsable de l’embauche sur son plateau et peut demander au producteur à vérifier les pièces justificatives des salariés (DPAE, Bulletin de salaire) pour la représentation qu’il organise pour son public.
- Lorsqu’un particulier embauche directement l’artiste (ex. spectacles à domicile), c’est lui qui porte la responsabilité d’employeur, et en tant qu’employeur occasionnel, il doit utiliser le GUSO pour payer le cachet des artistes (et techniciens le cas échéant) et les cotisations qui y sont liées.
Depuis la mise en place du micro-entreprenariat en 2008, certains conteurs et conteuses utilisent le système de l’auto-entreprise pour facturer leurs prestations aux organisateurs, ce qui n’est pas légal en France.
Les raisons de ce choix et les cas particuliers sont multiples : certain∙es, en début de carrière, n’ont pas assez de dates de spectacles pour prétendre à l’indemnisation chômage de France travail (annexe 10 du régime de l’intermittence), d’autres, en fin de carrière, utilisent la microentreprise pour rémunérer leurs prestations (cotisations sociales moins élevées) en complément d’une petite retraite…
Dans un monde où la culture est de plus en plus précarisée, en pleine conscience des difficultés rencontrées pour accéder à une rémunération satisfaisante et une protection sociale pour les artistes, nous tenons à rappeler que l’APACC et le RNCAP défendent le statut de salarié.e des artistes du spectacle vivant, avec une protection sociale mutualisée dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, issue des conquis du Conseil national de la résistance et le respect des conventions collectives en vigueur: cf. le Manifeste des artistes professionnel.les conteurs et conteuses.
Micro-entreprise et spectacle ?
Sur le principe, un·e artiste pourrait légalement exercer son métier sous le statut de micro-entrepreneur·e, mais ceci dans un cadre particulièrement restreint (voir exemples ci-dessous), et dangereux (requalification en salariat en cas de contrôle) :
https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F22428/personnalisation/resultat?lang=&quest0=1&quest=
- Le principe d’une micro-entreprise est de travailler seul.e.
- La micro-entreprise est assujettie à beaucoup moins de cotisations sociales que le salariat, ce qui par conséquent n’ouvre pas aux droits sociaux qui en découlent.
- Dans les faits, la micro-entreprise utilisée pour le spectacle vivant amène souvent un effet de concurrence déloyale dans l’écosystème fragile des entreprises du spectacle vivant : ses différentes personnes morales (figures juridiques distinctes) et ses professionnels qualifiés des métiers du spectacle (production/diffusion – organisation – régie technique- administration…)
Cadre légal expliqué par l’exemple :
En pratique, un artiste micro-entrepreneur devrait être lui-même Entrepreneur de spectacle, et devait ainsi faire une demande pour obtenir les différentes licences de spectacle… Il serait alors ET Producteur ET Organisateur ET Lieu d’accueil du public…. Il/elle devrait en outre être inscrite au Registre du Commerce, et assuré.e pour ces différentes activités (accueil du public, régie technique…) donc être détenteur·ice des certification/habilitations professionnelles correspondantes à ces métiers.
Explication : le principe du micro-entreprenariat est l’indépendance et l’autonomie. Ainsi dans le cas d’un·e artiste micro-entrepreneur·e, iel devra assumer légalement elle/lui-même ses dates, ses lieux, ses horaires, ses spectacles. Autrement dit, pour être autonome sur le lieu, l’artiste dispose librement d’une salle de spectacle ou de lieux sur le domaine public ou privé.
Par exemple, une personne qui se produit dans la rue, ou qui a installé une yourte dans son jardin, ou qui loue une salle selon ses besoins, pour y présenter seul ses propres spectacles, pourrait s’inscrire dans le cadre de la micro-entreprise… mais il doit cependant éditer, déclarer et facturer sa billetterie public et déclarer la TVA afférente : assez irréaliste dans les faits.
CE QUI N’EST PAS LÉGAL
Pour rappel :
- Pour le secteur professionnel du spectacle vivant, on ne peut produire, diffuser, organiser des spectacles et accueillir du public sans que la structure n’obtienne les différentes Licences d’entrepreneur du spectacle nécessaires.
- Un·e artiste en micro-entreprise devra exercer son activité sans aucun lien de subordination, sous peine de voir son contrat de vente (la date en public mentionnée sur sa facture) requalifiée, au bénéfice de l’artiste-interprète, en contrat de travail CDDU.
Exemple : une école ou une médiathèque qui demande à un·e artiste d’intervenir dans leur établissement, le lieu est ORGANISATEUR : il existe donc automatiquement ce qu’on appelle « un lien de subordination », c’est-à-dire que l’artiste n’est pas libre de choisir : ou/et son lieu, ses dates, ses horaires, le spectacle présenté, le prix des billets, etc. En outre, la responsabilité et le travail d’accueil du public, de communication, et la billetterie sont la responsabilité de l’Organisateur dans le cadre du Contrat de cession.
- Un Organisateur qui ferait appel à un·e artiste, sans vérifier que la facture est bien délivrée par une entreprise ayant la licence de producteur à jour, peut être poursuivie, et l’organisateur devra lui-même salarier en direct l’artiste sous un contrat de travail CDDU, car il est responsable de l’ensemble des personnels de la représentation, vis-à-vis de la loi.
- La loi interdit d’exercer le même métier en tant que salarié·e ET en tant que travailleu·r·se indépendant·e.
Ce qui veut dire qu’il est impossible de cumuler le statut d’artiste salarié sous le régime de l’intermittence embauché en CDDU et celui de micro-entrepreneur dans la même activité.
Attention : lors d’un contrôle, il existe un risque fort de requalification des activités de micro-entreprise en salariat au régime général avec pour conséquence un redressement et le rappel des cotisations sociales indûment déclarées et réglées, ce qui pourrait conduire à des situations personnelles dramatiques.
De même il n’est pas possible d’être salariée en CDDU pour les spectacles et en micro entreprise pour les ateliers et activités connexes… qui risquent d’être requalifiés en salariats à cause du lien de subordination avec l’organisateur qui accueille le public.
Artiste-conteur, micro-entreprenariat et double-statut ?
Si en France , l’artiste-interprète est un salarié en CDDU, il est toutefois possible pour un.e artiste-conteu.r.se salarié∙e, percevant des indemnité chômage sous le régime de l’intermittence (annexe 10), d’exercer, en parallèle, une activité professionnelle en micro-entreprise (exemple : artiste ET thérapeute, artiste ET vendeur de cartes postales…).
NOTA : L’artiste-conteur indemnisé par France-Travail devra cependant déclarer l’ensemble de ses activités d’auto-entreprise tous les mois, et le calcul des jours indemnisé prendra en compte ces activité rémunératrice supplémentaire sous le régime de la micro-entreprise qui seront décomptées des versements d’indemnités du mois.
ENFIN : rappelons que souvent l’artiste-interprète est aussi auteur de ses œuvres, qui peuvent faire l’objet de Contrat d’édition, droits voisins sur les enregistrements (SPEDIDAM) commande d’une œuvre par un producteur, droits d’auteur (SACD) sur les représentations… Relevant du droit de propriété intellectuelle, toutes ces rémunérations peuvent être CUMULEES avec les salaires et ne sont donc pas décomptés des indemnités journalières versée par France-Travail.
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