31 décembre. 22h.
Cela fait une heure que je suis là. Couloir, cuisine, salon, salle à manger, terrasse, jardin : ça fourmille d’amis et d’inconnus. Grignotages autour du buffet, palabres à la volée, je me fraye un chemin jusqu’à la cave. La fête bat son plein. Sur la piste de danse, les corps se déhanchent. Ambiance stroboscopique. Dans la lumière saccadée, les mouvements lentement se décomposent sur une musique endiablée. Une main m’attrape et m’entraine sous la boule à facettes. Quelques pas, je joue le jeu mais rien à faire, je n’y arrive pas. Je m’extrais de la foule, remonte à la surface. En haut des escaliers, j’aperçois des enfants courir et disparaitre dans une pièce. Je pousse la porte. Dans la chambre, remplie de bambins de 4 à 1O ans, je m’assieds sur un radiateur en fonte, dos à une fenêtre donnant sur la rue.
Une petite fille s’approche de moi, plante ses yeux dans les miens et me demande de la hisser à mes côtés sur le radiateur.
-Tu es triste ? Tu es seule ?- me demande-t-elle.
-Non ! Et toi ? Tu n’as pas envie de jouer avec tes camarades ?- je lui réponds.
-Non !- me dit-elle.
Nous regardons en silence les autres enfants jouer quand la petite fille, très sérieusement, me parle d’amour. Surprise d’abord- elle doit avoir cinq ans- je l’écoute me raconter ses histoires de coeur, ses doutes, ses questionnements sur ce sentiment aux multiples visages : celui que l’on ressent pour un amoureux ou une amoureuse, celui que l’on a pour une sœur ou un frère, pour ses parents, pour ses ami.e.s, un animal… Aimer quelqu’un, est-ce aimer la personne ou ses qualités ? L’amour est-il forcément joie ? Etc. Bien au chaud sur notre radiateur, nous discourons, passionnées, étrangères à tout ce qui nous entoure. Puis la petite fille se tait, m’adresse un large sourire, saute du radiateur et rejoint les autres enfants. Je me lève à mon tour et sors retrouver mes ami.e.s.
31 décembre 23h45.
Dans quelques minutes, les bouchons de champagne s’envoleront, des bulles légères rempliront nos coupes. Il y aura le tintement cristallin des verres qui s’entrechoquent, les embrassades, les «Bonne Année !» lancés dans l’air comme un pêcheur plein d’espoir lance son filet. Comment y croire quand la guerre gronde partout sur le globe, quand la barbarie piétine la vie de ses grosses bottes ! Me revient le visage de cette petite fille. J’entends sa voix aigüe. Ses mots si profonds, si justes, si sages. Je revois son sourire et son pas déterminé à retrouver ses camarades après nos échanges…
Pour cette année 2024, je vous souhaite beaucoup d’amour.
Amour des autres, des idées, des récits ; de ceux qui nous redonnent la force, le désir et le sens.
@Jennifer Anderson, 8 janvier 2024
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https://www.jenniferanderson.fr